Qui sont ces gens qui osent affronter la trace de la French Divide 2018 ?

Parmi eux il y a Jean-Luc, un rider et finisher de 2016, qui a décidé de retenter l’aventure 2 ans plus tard. Que garde t’il en mémoire de sa premiere expérience et comment aborde t’il 2018. Questions/réponses sans langue de bois !

“Au sommet du Tourmalet après avoir pris un orage mémorable sur le coin du museau, déluge et grêle ! Bienvenue dans les Pyrénées…”

→ Peux-tu te présenter rapidement ?
Je m’appelle Jean-Luc Moncassin, j’ai 50 ans, je vis à Pau dans le 64 où j’essaye à travers mon métier d’enseignant de forger la France de demain.
L’avantage de ma profession c’est que cela me laisse pas mal de temps pour assouvir ma passion du vélo, mais ça dans le contexte social actuel, il ne faut pas le dire trop fort, sinon cela pourrait tomber dans des oreilles indésirables… ☺. J’ai commencé le vélo vers mes 20 ans pour perdre du poids mais j’ai vite mordu à l’hameçon, j’ai commencé par du VTT, puis ensuite la route, de la FFCT, je suis passé à la compét’ dans diverses fédérations. A la base je suis plutôt un gommard, mais pour la compét’ ça commence à devenir un peu compliqué avec les jeunes qui poussent derrière et mon niveau de performance même si ça fait mal à dire qui baisse également.

Il y a 3 ans j’ai acheté un Canyon Inflite, un gravel ou un CX j’sais pas trop exactement (je ne voudrais blesser personne), pour me permettre de rouler de façon plus ludique à l’intersaison en me pelant un peu moins le jonc lors des sorties hivernales. Puis en farfouillant sur le net je suis tombé sur l’organisation de la French Divide… De suite ça a fait tilt et j’ai de suite adhéré au projet de traverser mon pays par des chemins de traverse. Le fait aussi que je commençais à vouloir vivre autre chose que de la pure compét’ en vélo mais en conservant un esprit de challenge. On a tous besoin de challenge dans la vie pour avancer me semble t’il. En plus quand j’ai vu le côté artisanal de l’organisation, le fait que des mecs soient prêts à faire tant de sacrifices et s’investir à ce point dans un but non lucratif mais au nom de leur passion a fini de me convaincre. Quand on y pense c’est quand même énorme ce que Sam, Lionel et Céline ont réussi à mettre en place ! Traverser la France par des chemins de traverse, c’est énorme, quand tu vois déjà comment parfois tu galères pour trouver des spots sympas près de chez toi ; là ils te font traverser le Pays entier !!! Juste pour notre plaisir et le tout, dans une ambiance vraiment sympa… c’est le top !

“Un gros plongeon dans l’inconnu”

→ Tu as participé et fini la première édition de la FDen 2016 qu’en gardes-tu comme souvenir ? 
Ce que je garde comme souvenir de la 1ère French Divide… déjà un gros plongeon dans l’inconnu, c’était ma première épreuve du genre. En plus je me suis bien fait brancher par mes potes car je suis à la base quelqu’un qui aime bien son petit confort et là c’est l’antithèse qui m’attendait ! Je garde ensuite en souvenir un gros coup de blues quand l’aventure a été terminée, le retour à une existence « standard » fut un peu rude.

Et entre les deux, le fait de prendre conscience que tu peux traverser la France sans voir trop de civilisations en profitant de magnifiques paysages. Des rencontres aussi, avec les endroits traversés, avec les locaux, mais aussi avec les concurrents et là je pense à Sophie, Alex à Pascal Cazaux avec qui j’ai terminé l’aventure car son GPS était out. Ensemble on a vécu une fin de FD de dingue et noué une belle amitié. Sans oublier bien sûr les Picard Brothers Steph et Carl (toujours imités, jamais égalés) avec lesquels on a croisé le fer tout au long de l’aventure. En plus, le côté confidentiel de cette première FD était vraiment particulier, on était peu et c’était une première. A l’arrivée un lien particulier, indéfectible, était noué entre tous les participants, parce que nous avions tous vécu la même épreuve, que ça n’avait été simple pour personne, que nous en étions venus à bout, une sorte de rite initiatique en fait ☺

Comment je me sentais avant de rouler ? Haha très bonne question ! Disons que quelques semaines avant je suis parti en configuration FD pour aller voir ma mère et je me suis tapé 140km par la route et là au bout de quelques centaines de mètres quand j’ai évalué le poids du vélo au roulage, je me suis dit « Putain mais quel con ! Qu’est-ce que tu es allé t’embringuer dans cette galère ! » J’avais calculé qu’il fallait que je fasse 150km par jour pour être dans les délais, ça me semblait largement faisable. Ensuite j’en étais moins sûr car j’avais conscience qu’il allait falloir se taper 70% de off road sur des terrains inconnus. Surtout que Sam était resté évasif sur le choix du vélo, VTT ou gravel laissant chacun libre de son choix, tout en nous mettant bien en garde sur la difficulté du tracé, bref tout pour te rassurer ☺ Je suis donc parti le 1er jour dans la plus totale incertitude, mais en apprenant à rouler différemment. C’est essentiel tu ne pédales pas pareil avec un vélo de course de 6.5kg et un gravel en config’ FD ! Finalement au bout de quelques jours tu t’y fais mais les débuts sont assez déstabilisants.
Mes attentes étaient surtout de finir dans les délais et de vivre une belle aventure. Mission accomplie puisque j’ai mis 12 jours et demi et je me suis vraiment régalé. Euh… sauf peut-être le dernier jour où j’aurais volontiers étripé Sam pour le final qu’il nous avait concocté dans le Pays Basque, ça a été l’horreur. De la pluie le matin, un dérailleur explosé et davantage de temps passé à pousser le vélo qu’à pédaler, une moyenne de m…., mais bon au bout de la journée, l’arrivée à Mendionde nous attendait !

→ Et te revoilà avec nous cette année, pourquoi as-tu décidé de la re-rouler ? Et comment te sens-tu cette année ? Qu’attends-tu de cette aventure ?
Pourquoi je reviens ? Parce que la FD est unique, que j’ai vraiment adoré ce que j’ai découvert lors de cette première édition, parce qu’il y a aussi un côté pratique à ce qu’elle se dispute en France et que je ne sais pas quoi faire de mes vacances hahaha. POUR L’AVENTUUUUUURE !

Comment je me sens, ben un peu plus vieux, un peu plus gros (mais ça on en parlera plus à la fin de la FD), mais aussi un peu plus expérimenté pour affronter ce genre de périple. Je suis toujours aussi déterminé à arriver au bout mais aussi à prendre un max de plaisir, donc je ne roulerai pas en mode warrior. Je veux profiter pleinement de ce que cette aventure peut m’offrir et rester la tête plongée dans le guidon serait vraiment dommage !

“Sur ce genre d’épreuves, rien n’est jamais écrit à l’avance.”

J’attends de cette aventure ce qu’elle voudra bien m’offrir… A savoir, que sur ce genre d’épreuves rien n’est jamais écrit à l’avance, certes tu peux mettre un max d’atouts de ton côté via ta préparation physique ou matérielle, mais l’aventure peut vite tourner court, une blessure, une casse mécanique… il faut donc rester humble, vigilant et garder à l’esprit que tu n’es jamais à l’abri d’une galère qui peut se terminer par un retour express à la case maison. Mais bien évidemment ce serait une grosse frustration de ne pas arriver à destination.

“Le Cantal c’est beau mais c’est dur”

→ Quelle est ton expérience dans le bike packing ?
Mon expérience est bien mince la 1ère FD et l’an dernier l’Inca Divide. D’ailleurs ce qui est plaisant dans le Bike packing c’est que cette discipline est relativement nouvelle et que tu découvres et expérimente plein de trucs, des petites astuces, des tuyaux piochés ça et là. Toujours en quête d’amélioration, il n’y a d’ailleurs pas qu’une seule vérité dans le domaine, tu t’en aperçois rapidement ne serait-ce que dans le choix des vélos employés par les différents pratiquants. Ce côté-là me plait bien, c’est plein de préparations de cogitations et d’investigations et en plus avec la communauté du Bike packing s’est vraiment sympa de partager. Les gars ne se prennent pas la tête et ne sont jamais avare d’un conseil ou d’un retour d’expérience. Pour ça il suffit de faire partie des forums ou des groupes de discussion FB pour prendre conscience de la bonne ambiance qu’il règne. D’autres disciplines du vélo ferait bien de s’en inspirer…

→ À quelles courses ou événements de ce genre as-tu participé ?
L’an dernier j’ai participé à l’Inca Divide (une organisation Bikingman) et c’est tout… mais ce fut une expérience incroyable, incroyablement belle mais incroyablement dure ! 3500km et 63000m de dénivelé entre Equateur et Pérou. Dans ces contrées, tout est décuplé les étendues, la beauté des paysages mais aussi les difficultés avec dans le final des enchaînements de cols de 70km à plus de 4000m d’altitude.
Ce fut pour moi la façon de contempler le paradis en vivant l’enfer. La nuit qui tombait dès 18h avec les températures qui dégringolaient, de la pluie en équateur, des conducteurs peu soucieux des cyclistes, des clébards friands de cyclistes et un vélo trop chargé par la nécessité du matos à emporter vu les conditions météo… Il a manqué à cette aventure le côté ludique que j’avais trouvé dans la FD en arpentant chemins et sentiers, même si les paysages traversés outre atlantique étaient sans pareil, j’ai trop bouffé de route.

“1er jour sur la FD2016 à l’approche du mont Kemmel et à son sommet.”

→ La communauté et les événements d’ultra-cycling se développent de plus en plus, à ton avis pourquoi ?
À mon sens, nous sommes de plus en plus sollicités dans notre quotidien, professionnellement, mais pas seulement, il y a aussi les agressions diverses et variées de notre environnement, comme l’actualité (qui, il faut l’avouer n’est jamais bien gaie) peut être également notre hyper connectivité et cela, que tu le veuilles ou non, que tu en aies ou pas conscience, influe sur ta personne, un peu à l’image d’une éponge qui s’engorgerait de toute cette toxicité.
Aussi prendre le départ de ce genre d’épreuve, c’est marquer une césure dans ton quotidien, se retrouver seul face à soi, à la nature, aux éléments. Tu te déconnectes de tes tracas quotidiens, tes besoins se réduisent à l’essentiel, pédaler, boire, manger, t’orienter, dormir, tu fais ce que tu as choisis, tu vis ta passion, tu ne subis aucune pression sauf si tu te la mets 😉

“Chacun peut pratiquer la discipline à son niveau et chacun respecte l’autre.”


Tu explores un quotidien fait d’inconnu, tu y prends goût assez rapidement et tu te rends compte que ce qui te semblait essentiel de ton petit confort quotidien ne l’est pas vraiment, tu redéfinis les véritables priorités et tu en arrives à magnifier les petites choses qui te paraissaient des plus banales, bref tu reviens aux sources de ce que devrait idéalement être la vie. Tu t’immerges dans une sorte de dimension parallèle qui te correspond et je crois que toutes ces raisons expliquent que ce genre d’épreuve subisse un tel engouement.

Chacun peut pratiquer la discipline à son niveau et chacun respecte l’autre, qu’il considère davantage comme un compagnon d’aventure que comme un adversaire, du fait qu’il n’y ait pas officiellement de chrono. Et encore je n’aborde pas le thème du sport business qui est à l’antipode de l’ultra-cycling… mais pour combien de temps encore ? A nous d’être vigilant et de ne pas nous laisser gangréner.

→ Quel est ton meilleur souvenir à vélo?
Sur la FD c’est lors d’une arrivée nocturne aux chalets d’Iraty à la veille de la dernière journée avec Pascal Cazaux. On avait cumulé dans la journée pas mal de bornes et surtout beaucoup de dénivelés presque 5000m me semble t’il et nous avons fini dans la nuit, le brouillard et le crachin aux chalets d’Iraty au sommet du col de Bagargui (un des plus durs du secteur).

Nous avons été acceptés in extremis au seul resto qu’il y a la haut, pour nous taper une bonne binouze, un bon gueuleton et enfin un hébergement de fortune dans un chalet, tout cela sachant que le lendemain c’était l’arrivée ! Que demander de mieux ? Mais ça c’était avant de se taper le terrible final vers Mendionde !!!

→ Comment t’entraines-tu pour la FD2018 ?
La FD se prépare certes sur le vélo et sans secret en enchaînant des sorties longues classiques ou plus rythmées avec des potes ou enfin en s’alignant au départ de quelques courses, bien que je préfère les stopper suffisamment tôt pour éviter qu’une mauvaise chute ne compromette ma participation. Enfin et surtout en y pensant tous les jours…puisque la FD ça se met aussi dans la tronche, c’est un préalable aussi indispensable qu’agréable 😉

→ Quel vélo utiliseras- tu pour la FD et pourquoi ? As-tu de bons accessoires à conseiller ?
Pour ma première participation j’étais parti avec mon Canyon Inflite chaussé en pneus clément X-plor de section 40. Ce fut un bon choix, il me semble que j’ai davantage tiré profit de ce vélo dans les portions roulantes qu’il ne m’a handicapé dans les portions plus techniques ou cassantes. Comme le disait à juste titre Sam, il n’y a pas de bon choix, pas plus que de mauvais d’ailleurs, c’est surtout une histoire de compromis. Cependant je me suis aussi rendu à l’évidence que lors de la 1ere FD nous avons eu une météo super clémente et que si on avait connu celle de l’édition 2017 cela aurait quand même pas mal changé la donne ! Qui plus est avec une proportion de off road qui est passée, me semble t’il, à 82% il me parait plus judicieux cette année de faire le choix d’un VTT. Je pars donc avec un Canyon Alu 27’’5 en fourche rigide, équipé en XT et d’un moyeu dynamo, du matos fiable et éprouvé, en fait.

Pour ce qui est des accessoires intéressants peut être le Woho Antisway qui devrait permettre d’éviter les ballotements de ma sacoche de selle tout en mettant à disposition 2 bidons supplémentaires, j’ai trouvé le système assez astucieux, mais je ne l’ai pas encore testé…

“Si tu pars comme un con, il a de grandes chances que tu finisses aussi comme un con.”

→ Quel serait ton meilleur conseil pour les autres participants ?
Si je devais donner un conseil ce serait le suivant : toujours garder en mémoire la globalité du défi, cela implique plusieurs choses si tu pars comme un con, il y a de grandes chances que tu finisses aussi comme un con… Rouler vite sur ce genre d’épreuves ne sert à rien il faut rouler longtemps, alors évidemment si tu sais rouler vite et longtemps tant mieux, mais ce n’est pas la majorité des gars.

Si tu es un cycliste lambda comme moi, dis-toi que tu vas devoir tenir sur la distance et que si tu les jours tu toxines ce sera au risque d’exploser tôt ou tard, ou de prendre une défaillance. L’idéal serait de pouvoir repartir le lendemain sans avoir l’impression d’avoir roulé la veille, plus facile à dire qu’à faire certes. Le 1er jour de la FD j’ai roulé avec Alexandre Godin qui avait, si je me souviens bien, disputé la TransAm, on s’est retrouvé pratiquement dans les derniers, au final il a torché l’épreuve en 10 jours ! Alors évidemment cette année-là, Ben [Steurbaut] est parti comme un fondu et a fini comme un fondu en 8 jours, mais combien y a-t-il de Ben au départ de la FD. Au 1er jour de l’Incadivide je me retrouve également dans les tous derniers, bon en même temps on était que 13, au final on termine à 6 et moi 4ème et 1er européen (certes le 1er m’a mis 6 jours dans les dents, mais bon j’ai terminé dans les délais…), tous les autres se sont littéralement cramés tout seul ! Alors évidemment ce conseil ne vaut que pour ceux qui veulent terminer sans viser une « perf ».

Dernier petit conseil, parfois perdre du temps c’est savoir en gagner. Lors de la FD, du côté de Chablis dans un chemin pavé de bonnes grosses pierres calcaires (remenber ☺ ) j’ai lâché les freins dans une descente, pour gagner quoi, quelques secondes… résultat de l’opération je me suis laissé embarqué dans une ornière, j’ai failli prendre une énorme boite et j’ai crevé des 2 roues, bilan grosse chaleur et j’ai perdu un quart d’heure, mauvais calcul… Cela m’a quand même bien servi pour la suite.

→ As-tu des sponsors ? Des marques ou la famille ou autre ?
Pas de sponsors cette année, je n’en ai pas cherché et je ne sais pas si j’en aurais trouvé d’ailleurs, on ne mise que sur les purs sangs, pas sur les percherons ☺

Pour ce qui est de la famille et connaissances, j’ai la chance que la trace passe à quelques km, d’un très bon pote en Lorraine, de mon berceau natal dans le Gers et enfin non loin de mon lieu de résidence ce qui me permettra sûrement de bénéficier de quelques encouragements, c’est toujours sympa !

Merci Jean-Luc d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.
On a hâte de te revoir ! À bientôt !!